Il est des entreprises qui rêvent d’augmenter l’humain, d’autres de sauver la planète. Palantir, elle, ambitionne de devenir le système d’exploitation de l’État. Non pas un partenaire technologique parmi d’autres, mais l’ossature invisible de l’administration contemporaine. Ce que propose cette société née des cendres du 11 septembre et de l’imaginaire libertarien de la Silicon Valley, c’est un État modélisé, administré, prévisible — où chaque donnée trouve sa place, chaque événement son traitement algorithmique, chaque incertitude sa réduction statistique.
Du fisc à la santé publique, de la défense à la gestion carcérale, Palantir étend son emprise. Elle ne vend pas seulement des logiciels : elle vend une vision du monde où la décision humaine devient suspecte, et où l’efficience supplante le débat.
Le politique, dès lors, ne gouverne plus, il consulte une interface. Le pouvoir ne pense plus, il visualise. Une démocratie sans visage, opérée à distance, rationalisée jusqu’à l’oubli de ses finalités.
Ce n’est plus Orwell, c’est Google Docs pour l’État.
